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Photo du rédacteurTERRES DU NORD MATIN

Pacte germano-soviétique : les coulisses de l'accord secret entre Hitler et Staline

Le 23 août 1939, le monde apprend avec stupeur la signature au Kremlin d’un pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’URSS.

Sur la photo ci-dessous photo, Staline est derrière son ministre Molotov qui signe l’accord avec Ribbentrop.


. Après la rupture avec les nazis, en 1941, le "tsar rouge" veillera à faire disparaître ce cliché.(Photo capture d'écran TdNM GEO)



Avant de précipiter la chute du Führer, Staline, le "petit père des peuples" a conclu avec lui un pacte de non-agression, le 23 août 1939. Un accord qui cachait un protocole secret sur le partage de l’Europe. L’URSS a nié son existence jusqu’à la fin du bloc soviétique, en 1991. Ce n’étaient que "des fadaises". Interrogé en 1983 sur un éventuel dossier secret inclus dans le pacte de non-agression, signé le 23 août 1939 à Moscou entre l’URSS de Staline et l’Allemagne d’Hitler, Molotov nia son existence. Pour l’ancien ministre russe des Affaires étrangères, une telle allégation ne visait qu’à souiller l’engagement soviétique dans la "grande guerre patriotique" menée contre les nazis. Jusqu’à sa mort, en 1986, Molotov maintint la version officielle de l’URSS. Ce protocole secret avait été révélé aux premières heures de la guerre froide. En 1948, le Département d’Etat américain publia des centaines de documents relatifs à l’accord. Il en ressortit un dossier confidentiel dont personne, jusqu’ici, n’avait eu connaissance. La Pravda, journal officiel du Parti, hurla à une falsification de la part des services secrets américains. Un Yalta avant l’heure

En quoi consistait ce protocole, resté dans l’ombre pendant presque dix ans ? D’après les documents, chacun s’engageait tout d’abord à respecter une stricte neutralité si l’autre signataire était en conflit avec une puissance européenne. Ensuite, un accord économique prévoyait l’échange de machines industrielles allemandes contre des matières premières soviétiques : blé, pétrole, charbon, fer… Les deux parties en sortaient gagnantes. Berlin recevait les ressources indispensables à son industrie militaire, tandis que Moscou se dotait de machines-outils.

Paraphé le 19 août, soit quatre jours avant la signature officielle du pacte de non-agression, un document annonçait le partage de l’Europe de l’Est en "zones d’influences" soviétiques et allemandes. Un Yalta avant l’heure ! Le protocole permettait à Hitler d’envahir la Pologne occidentale, puis d’avoir les mains libres pour se tourner vers les Pays-Bas et la France. En même temps, il autorisait Staline à s’emparer des pays baltes, de la Finlande, de la Bessarabie (actuelle Moldavie) puis de la Bucovine du nord (dans l’actuelle Ukraine). L’Allemagne obtenait ainsi son Lebensraum (espace vital) tandis que l’Union soviétique regagnait les territoires que l’Empire russe avait perdus durant la Première Guerre mondiale. Selon l’historien britannique Roger Moorhouse, auteur du Pacte des diables, histoire de l’alliance Staline et Hitler (éd. Buchet-Chastel, 2020), ce protocole, signé en catimini, serait l’unique motivation de cet improbable pacte germano-soviétique où l’Allemagne et l’Union soviétique s’engagèrent officiellement à ne pas se déclarer la guerre. "Ce n’est pas un hasard si le document original du protocole a disparu. On doit sa connaissance à une copie sur microfilm retrouvée par les services secrets américains dans les archives du IIIe Reich, situées à Marbourg", explique-t-il. Et d’ajouter : "Ce protocole demeura un tabou absolu en URSS jusqu’à la chute du régime communiste." Conformément à ce plan, la Wehrmacht attaqua l’ouest de la Pologne dès le 1er septembre 1939. L’Armée rouge, elle, annexa sa partie orientale dix-sept jours plus tard, puis se tourna vers la Finlande, le 30 novembre. "Concernant la Pologne, l’accord secret stipulait, entre autres, que la Gestapo et le NKVD devaient collaborer", précise Roger Moor­house.



Soldat ukrainien, héritier des cosaques zaporogues

Soldat ukrainien engagé au côté de l'armée polonaise contre l'invasion germano-soviétique de la Pologne






De nombreux nationalistes ukrainiens s'engagèrent aux côtés des polonais pour combattre les armées nazies et russes. Notamment la cavalerie ukrainienne à cheval, héritière des cosaques zaporogues. Ce qui explique aussi la solidarité actuelle entre les deux peuples Polonais et Ukrainien, face à l'agression de Poutine.



Les deux organisations échangèrent leurs informations pour réprimer toute forme de "résistance". "Il reste ainsi difficile de distinguer la provenance des mesures contre les Juifs du pays", note l’historien britannique, Toujours est-il que 1,7 million de personnes – Juifs, Tsiganes, prisonniers militaires et politiques – furent déportées dans les camps de la mort du Reich et dans les goulags de Sibérie. Pour faire bonne mesure, Berlin et Moscou s’échangèrent des dissidents politiques : quelques milliers de Russes anticommunistes contre autant d’antifascistes d’origine allemande et autrichienne.

Certes, Hitler et Staline ne se sont jamais vus pour conclure cet accord. Il n’y eut, du reste, jamais de rencontre entre les deux dictateurs… Organisé à Moscou, ce pacte germano-soviétique fut, dans sa forme, l’affaire des ministres des Affaires étrangères des deux puissances, Viatcheslav Molotov et Joachim von Ribbentrop, signataires des documents. Mais le Vojd et le Führer étaient bien aux commandes. La signature fut effectuée sous le regard satisfait de Staline qui fit le déplacement pour féliciter Molotov et serrer la main du ministre allemand.

Quant à Hitler, il était intervenu en amont dans les discussions diplomatiques pour que l’accord se fasse au plus vite. Signé en quelques jours à la stupéfaction générale, ce "deal" inaugura deux ans d’une collaboration permettant aux deux puissances de pousser leurs pions sur l’échiquier européen. De nombreux historiens, tel le russe Roy Medvedev, auteur de Staline et le stalinisme (éd. Albin Michel, 1979), soutiennent que le pacte de 1939 fut, davantage qu’une volonté de se partager l’Europe, la conséquence des désastreux accords de Munich, intervenus un an plus tôt. Le 30 septembre 1938, pour éviter la guerre contre une Allemagne de plus en plus belliqueuse et désireuse de "libérer" la population germanophone de la Tchécoslovaquie – les Sudètes –, la France et l’Angleterre scellèrent un traité d’entente. L’URSS, alliée de la Tchécoslovaquie, se vit notifier que sa présence à Munich n’était pas souhaitable. Moscou fut indigné, dénonçant une "capitulation". Elle fut surtout ressentie comme une trahison de la part de la France et de l’Angleterre.

"Munich a poussé Staline vers Hitler"

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Hitler, en 1933, Staline n’avait eu de cesse de proposer aux deux pays une "alliance antifasciste". Sans résultat. "L’offre des Soviétiques fut ignorée. Ils n’ont pas été consultés face à la menace hitlérienne et furent traités avec une indifférence, pour ne pas dire un dédain, qui marqua l’esprit de Staline", écrit Churchill dans ses Mémoires. A tel point que celui-ci, personnalité paranoïaque, finit par se convaincre que Paris et Londres allaient s’allier à Berlin contre lui. "Munich a poussé Staline vers Hitler", écrit dans un de ses rapports Roger Coulondre, ambassadeur français à Moscou de 1936 à 1939 (De Staline à Hitler, mémoires d’un ambassadeur, éd. Perrin, 2021). Après le fiasco munichois – les accords n’ayant finalement en rien apaisé l’objectif pangermaniste du IIIe Reich : conquérir l’Europe – Staline, aussi cynique que rationnel, se tourna vers son plus redoutable ennemi, Hitler. "Sa décision fut nourrie par le constat lucide de la faiblesse des Occidentaux face au IIIe Reich", résume l’historien américain Adam Ulan dans Communists : The Story of Power and Lost Illusions (non traduit, 1992). Avec cette alliance, Staline avait-il prévu une guerre destructrice pour l’Europe dont l’URSS tirerait les bénéfices ? Peu après la signature, Molotov affirma que son pays avait accompli la prophétie du camarade Lénine, lequel avait déclaré en 1919 : "Une Seconde Guerre mondiale nous aiderait à prendre le pouvoir en Europe, comme la Première nous a aidés à prendre le pouvoir en Russie." Selon Roger Moorhouse, le pacte germano-soviétique fut l’acte le plus anticapitaliste dans la carrière de Staline. Le Vojd utilisa la machine guerrière nazie dans l’espoir de voir s’effondrer l’Europe de l’Ouest.

Une drôle de paix

Restait une inconnue. Cette paix des dictateurs n’étant qu’une manœuvre de circonstance, dont le IIIe Reich et l’Union soviétique avaient parfaitement conscience, qui déclencherait l’inévitable choc frontal ? Et quand ? Après la victoire de la Wehrmacht lors de la bataille de France, en juin 1940, Hitler commença à s’inquiéter des visées de Staline sur les Balkans. Son Blitzkrieg (guerre éclair) sur le front de l’Ouest ayant diminué ses besoins de ressources minières, pétrolifères et alimentaires soviétiques, Hitler put de nouveau donner libre cours à sa haine profonde contre le bolchevisme. En attaquant l’Union soviétique le 22 juin 1941 dans l’une des plus grandes opérations militaires de l’histoire, Barbarossa, l’Allemagne mit donc fin à cet étrange épisode de près de deux ans. Une "paix" qui n’avait fait que susciter l’incompréhension auprès de l’opinion publique des deux pays. A l’annonce d’Hitler du Drang nach Osten (la poussée vers l’est), le pacte vola en éclats. Dès le 23 juin, Moscou prit soin d’effacer Staline sur la photo immortalisant la signature entre Molotov et Ribbentrop, le 23 août 1939. Il s’agissait maintenant de faire disparaître l’engagement du Vojd dans ce nécessaire, mais encombrant, dossier. Après l’échec de l’opération Barbarossa en décembre 1941, la défaite allemande à Stalingrad en février 1943, l’invasion de Berlin par l’Armée rouge en avril 1945, et la capitulation du IIIe Reich le 8 mai 1945, les Soviétiques, grands vainqueurs du conflit, firent main basse sur l’Europe centrale pendant un demi-siècle. C’est le résultat de la conférence de Yalta, qui s’était tenue du 4 au 11 février 1945 dans la ville de Crimée. "Il fut question, comme lors du pacte de 1939, d’une domination commune et négociée du monde par deux superpuissances", note Oleg Khlevniuk, auteur de Staline (éd. Belin, 2017).

23 août, Journée de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme

Après Yalta, l’URSS et le mouvement communiste international martelèrent que le traité germano-soviétique avait été une nécessité pour gagner la guerre, et nièrent qu’un partage de l’Europe fut décidé dans un protocole secret. Il fallut attendre 1992, après l’effondrement du bloc soviétique, pour que la jeune fédération de Russie admette l’authenticité des documents publiés par les Etats-Unis en 1948. Depuis 2009, le Parlement européen a fait du 23 août la Journée de commémoration des victimes du stalinisme et du nazisme. "Car en dépit de ces accords effectués dans l’ombre, le pacte germano-soviétique a, de manière irréfutable, ouvert les portes de l’enfer de la Seconde Guerre mondiale", conclut Roger Moorhouse. Un conflit qui fit, selon la dernière estimation effectuée en 2011 par l’Union européenne, 64 millions de morts.

1 Comment


Unknown member
Mar 27, 2022

Ne pas oublier quand même les 200 000 Juifs tué par les Ukrainiens lors de la Shoah par balles .....

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