Contrairement aux idées reçues, la vidéosurveillance ne sert quasiment à rien. C'est ce que révèle une étude réalisée pour la gendarmerie entre 2017 et 2020 dans la région
de Grenoble.
Les caméras de vidéosurveillance sur l'espace public n'empêcheraient pas le passage à l'acte des délinquants. Pire encore, elles ne seraient utiles pour la résolution d'enquêtes que dans 1% des cas.
Si elles sont souvent désignées par les politiques comme la solution miracle pour résoudre les problèmes de sécurité publique, les effets des caméras de vidéosurveillance seraient en réalité quasiment nuls en matière de prévention de la délinquance et d'aide à la résolution des infractions.
C'est ce qu'il ressort après une étude du centre de recherche de l'Ecole des officiers de la gendarmerie nationale, sur près de 2.000 enquêtes de gendarmerie entre 2017 et 2020. Au total, seules 22 affaires ont été élucidées grâce à des indices ou des preuves provenant de la vidéosurveillance. En clair: dans 1% des enquêtes seulement, la vidéo à pu permettre une résolution.
Une étude menée par Guillaume Gormand, chercheur au Centre d’études et de recherche sur la diplomatie, l’administration publique et le politique à la demande du Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie de Melun vient, pour la première fois, apporter des éléments de réponses à ces questions.(1)
« L’exploitation des enregistrements de vidéoprotection constitue une ressource de preuves et d’indices peu rentable pour les enquêteurs. »
Ainsi, sur 1 939 enquêtes, 22 seulement à avoir été élucidées ont pu bénéficier d’éléments tirés de l’exploitation d’enregistrements de vidéoprotection publique, soit 1,13 % du total. En ne retenant que les enquêtes élucidées, l’étude révèle que 5,87 % ont bénéficié d’une contribution vidéo, soit environ 1 sur 20. Certes, les résultats varient en fonction des infractions : on recense 7,5 % d’indices trouvés dans des affaires d’atteintes aux véhicules et 5,7 % dans des affaires de violences.
Mais, observe M. Gormand dans son rapport, « en fin de compte, la découverte d’éléments probants, peu importe la thématique considérée (…) s’avère faible ». Pour preuve, plus de 18 % des enquêtes solutionnées l’ont été sans le moindre apport de la vidéo. Conclusion : « L’exploitation des enregistrements de vidéoprotection constitue une ressource de preuves et d’indices peu rentable pour les enquêteurs. »
De longue date, les gendarmes semblent avoir intégré la pratique visant à évaluer les coûts et les bénéfices du recours aux caméras de vidéosurveillance. Et les inconvénients semblent avoir emporté leur conviction : le visionnage d’images est mobilisé dans une enquête sur dix seulement, avec toutefois de fortes disparités en fonction des relations entretenues avec les gestionnaires du réseau de surveillance.
"Proposer des caméras, c'est une solution assez simpliste"
Parmi les explications avancées, il y a celle de la collaboration difficile entre les multiples services de vidéosurveillance et les enquêteurs, sans parler des objectifs de caméras sales ou détériorés et des images parfois très pixelisées. En bref, pour l'auteur de l'étude Guillaume Gormand, il faut remettre la vidéosurveillance à sa juste place:
"Il faut affranchir la vidéosurveillance de tous les fantasmes qu'elle peut nourrir. Proposer des caméras, c'est une solution assez simpliste. On s'aperçoit en fait que la vidéosurveillance, ce n'est pas une réponse en tant que telle à des problématiques d'insécurité. C'est un outil comme un véhicule ou une radio. Elle doit être utilisée de manière pertinente pour avoir des résultats relativement satisfaisants".
En plus de ne pas être la solution ultime à la résolution des enquêtes, dans une étude précédente, l'auteur démontrait que les caméras de vidéosurveillance ne dissuadaient pas les délinquants de passer à l'acte...
UN EFFET D'ANNONCE ?
Cette étude inédite menée en Isère à la demande du centre de recherche de la gendarmerie nationale conclut à un apport très marginal de la vidéosurveillance dans la résolution des enquêtes judiciaires mais aussi dans la dissuasion.
"C'est presque de la politique spectacle pour se donner bonne conscience et donner l'illusion aux citoyens que l'on a agi pour leur sécurité. L'explosion des violences, vols et autres incivilités à Béthune, confirme les limites de cet outil"
Depuis son essor dans le courant des années 2000, la vidéosurveillance n’en finit pas de faire débat. Et d’opposer ses partisans, État et collectivités en tête, qui y voient un outil indispensable dans la dissuasion et l’élucidation des crimes et des délits, aux scientifiques, qui, année après année, produisent des enquêtes pour démontrer l’inefficacité de ces caméras très onéreuses et dénoncer le lobby des technologies de sécurité.
(1)Après avoir ciblé plusieurs types d’infractions (violences, vols liés aux véhicules, cambriolages et infractions à la législation sur les stupéfiants), l’universitaire a analysé les données récoltées entre 2017 et 2020 – en intégrant le biais induit par les périodes de confinement – provenant de quatre territoires municipaux de la région grenobloise « constituant un ensemble hétérogène de réseaux et d’usages de vidéoprotection ». Ce dispositif a été doublé par des séries d’entretiens et une comparaison entre certaines zones concernées, avant et après l’installation de caméras. Les résultats mettent en lumière une efficacité douteuse de la vidéoprotection, du moins au regard de la finalité que lui assignent les acteurs des politiques publiques de sécurité : prévenir la délinquance et aider à la résolution des infractions.
Gabegie à Béthune???