GERBE DE LA VILLE DE BÉTHUNE ILLUSTRATION TdNM
À Béthune, les mariés reçoivent un bouquet de fleurs, la famille des défunts une gerbe et les ainés pour leurs anniversaires un petit cadeau, etc. La ville de Béthune n'a pas le monopole de ces gestes de sympathie et de compassion, financés par les impôts et dont s'attribue le maire par la formule hypocrite : "De la part d'Olivier Gacquerre et du conseil municipal. "
Tout le bénéfice "électoral" de ces pratiques en revient au premier magistrat et non à la collectivité, et posent donc une sérieuse question d'éthique. Sommes nous devant une pratique sournoise et condamnable de clientélisme?
Le clientélisme est probablement l'un des principaux piliers de la corruption, qui gangrène tous les niveaux de décisions, nationaux comme locaux. Mais il importe de distinguer le "clientélisme" traditionnel consistant à satisfaire les droits de la population, des services rendus dans une quête d'électeurs ou exclusivement à des proches du pouvoir municipal. Dans un article paru initialement sur le site Conversation, Cesare Mattina, Sociologue au CNRS, déjà auteur d'un ouvrage sur le sujet, "Clientélisme urbains", appelle à manier ce terme "fourre-tout" avec précaution, et cherche à rétablir quelques faits. On vous résume pour répondre sérieusement à notre question qui est loin d'être futile.
DU CLIENTÉLISME
En décembre 2020 plusieurs élus municipaux de Corbeil-Essonnes ont été condamnés pour des achats de voix avérés dans le cadre d’affaires judiciaires ayant impliqué l’élu républicain Serge Dassault. Cette séquence judiciaire vient nourrir d’autres affaires ressemblantes, mêlant échanges politiques et financiers, et souvent affublés du terme de « clientélisme ».
De plus en plus abusé dans le débat public, ce terme est évidemment utilisé sous un angle très souvent moralisateur, principalement à des fins de dénonciation par des journalistes, des élus, des fonctionnaires, des magistrats, des « lanceurs d’alerte », etc. Le problème est que ce terme de « clientélisme » finit par devenir un fourre-tout comprenant, dans la même catégorie, des relations clientélaires interpersonnelles, des affaires de corruption, des activités ordinaires des élus, voire des phénomènes de banditisme et de mafia… Malgré les amalgames qui en sont couramment faits, il faut donc distinguer le « clientélisme » de trois autres catégories d’analyse.
Des relations entre citoyens et élus depuis l’Antiquité
Ce qu’on appelle en sciences sociales le « clientélisme politique » est l’ensemble des relations interpersonnelles entre des individus (entre élus de différents niveaux, entre élus et fonctionnaires, entre élus et citoyens à différents titres) impliquant des échanges de biens et de services privés et personnels contre des soutiens électoraux et des promesses de voix. Ces relations existent sous différentes formes depuis l’époque grecque et romaine et elles sont sociologiquement fondées sur des rapports certes asymétriques de pouvoir entre un « patron » et un « client », mais aussi sur des liens d’amitié et de fidélité qui inscrivent ces relations dans un environnement de confiance et de non-obligation de restitution immédiate des services rendus. Ces caractéristiques sociologiques des relations clientélaires nous permettent de dire que la logique utilitariste de l’achat de voix, de la rémunération y compris pécuniaire de services, voire de menaces et de rétorsion qui existent dans l’affaire de Corbeil-Essonnes s’adapte mal à des relations basées sur de la confiance réciproque. De la même manière, la relation de corruption essentiellement fondée sur la rémunération pécuniaire et un échange immédiat et reconnaissable diffère d’un clientélisme fondé des échanges établis sur le long terme. De ce clientélisme des relations interpersonnelles il faut donc distinguer ce que nous pensons être trois phénomènes à part entière : une demande sociale de biens et de services à l’adresse des élus, le métier politique et la pratique de la redistribution des ressources.
Une véritable demande sociale de biens et de services
Les élus reçoivent beaucoup de sollicitations et des requêtes d’interventions très majoritairement pour des demandes et des services à rendre de type privé et personnel : obtention d’un logement social, d’un emploi public, d’une subvention à une association, d’une place en crèche, d’une aide sur un dossier administratif, etc.
Contrairement à une vision idéaliste de la démocratie et de la représentation politique, les citoyens ne vont solliciter leurs élus que très marginalement pour des questions d’intérêt général. La demande sociale de biens et de services personnels est complètement légitime car elle vise souvent à satisfaire tout simplement des droits (celui d’accéder à un logement social, ou de bénéficier d’un emploi). Mais il s’agit de droits pour lesquels les ressources publiques sont limitées ce qui implique un tri, des choix sur fond d’impossibilité de satisfaire tout le monde. D’où le fait que, dans des mondes qui ne sont que rarement régulés par une pratique administrative totalement neutre et objectivable, la marge de manœuvre des élus reste assez ample pour que par exemple un logement social soit attribué à telle famille plutôt qu’à telle autre. Dans le domaine du logement social par exemple, les règles d’attribution ne sont pas systématiquement claires et fondées sur des critères précis de classement des requérants (ancienneté de la demande, situation sociale des familles, fourchette de revenus très ample, non-respect fréquent des plafonds de revenus, décisions des commissions d’attribution passables par les présidents d’organisme HLM liés aux gouvernements locaux, etc.). À leur permanence, personnelle ou institutionnelle, par mail, par courrier, par l’entremise d’un ami ou d’un conseiller municipal ou d’arrondissement, les élus font face à une demande sociale soutenue qui vient à la fois de leurs entourages rapprochés et de cercles plus éloignés de citoyens. Face à cette demande sociale – et différemment selon leurs parcours et leurs valeurs – ces élus ne peuvent pas complètement se dérober et doivent de quelque façon répondre en dédiant du temps, de l’énergie et du personnel à cette activité. Cette demande sociale de biens et de services personnels est un vrai phénomène à part entière qu’on ne peut pas réduire à du « clientélisme ».
Le métier politique
Le deuxième aspect à distinguer du clientélisme est le métier politique. Le métier politique est le répertoire des pratiques et des représentations de militants, d’élus, d’intermédiaires agissant dans des arènes politiques et cherchant tout naturellement à gagner des compétitions électorales afin de réaliser les projets d’une idéologie politique et en même temps pour réaliser une carrière. Or, dans les répertoires du métier politique, il y a certainement toutes les activités liées à la réélection et à la récolte des voix (permanences, visites de quartiers, cartes de vœux, rencontre avec des catégories socioprofessionnelles, rencontres institutionnelles, etc.) qui impliquent aussi un travail de quête d’une clientélisation des électeurs. Certains élus en France ou ailleurs possèdent parfois d’importantes machines politiques leur permettant de capitaliser tous les contacts et de resolliciter les électeurs au moment des élections.
UN LIVRE QUI DÉNONCE, ENTRE AUTRES, LES DÉSASTREUSES PRATIQUES CLIENTÉLISTE ICI
Bonne nouvelle JPC n'est plus en garde à vue..
Quel est le budget annuel consacré à ces "délicatesse" et Y a t'il une mise en concurrence des fournisseurs .?