ILLUSTRATION TERRES DU NORD MATIN
Avec 17 points d'avance sur la candidate du Rassemblement national, le président sortant a été réélu pour cinq ans.
Cinq ans de plus. C'est la première fois depuis vingt ans (quand Jacques Chirac avait battu Jean-Marie Le Pen) qu'un président sortant est réélu.
Emmanuel Macron a remporté le second tour de l'élection présidentielle, dimanche 24 avril, face à Marine Le Pen. Avec une abstention proche du record de 1969 et une candidate d'extrême droite à 41,46%, le scrutin dessine un paysage politique différent du précédent de 2017. Voici ce que l'on peut retenir de ce second tour.
L'abstention au plus haut depuis 50 ans
L'abstention s'établit à 28,01%, selon le ministère de l'Intérieur. C'est presque deux points de plus que lors du premier tour (26,31%). C'est surtout une hausse de presque 2,6 points par rapport à 2017, où elle avait atteint 25,44%. Depuis 2007, l'abstention aux élections présidentielles successives n'a cessé de progresser. Il faut remonter un demi-siècle en arrière pour retrouver un tel niveau. Le record pour un second tour remonte à 1969, quand 31,15% des électeurs ne s'étaient pas rendus aux urnes, lors de la victoire de Georges Pompidou face à Alain Poher. Si ce taux d'abstention est élevé, l'élection présidentielle mobilise toutefois davantage que les autres scrutins. En 2021, dans un contexte de crise sanitaire, le second tour des élections régionales avait vu l'abstention atteindre 65,31%, soit près de deux électeurs sur trois.
Réélu, Emmanuel Macron promet une "méthode refondée" pour être "le président de tous"
Emmanuel Macron a été élu pour un second mandat avec 58,54% des voix, selon les résultats définitifs publiés par le ministère de l'Intérieur, avec environ 17 points d'avance sur Marine Le Pen. Le président sortant fait moins bien qu'il y a cinq ans, quand il avait totalisé 66,1% des suffrages. Il peut néanmoins se targuer d'avoir été reconduit hors période de cohabitation, contrairement à François Mitterrand (réélu en 1988) et Jacques Chirac (réélu en 2002). Une prouesse que le général de Gaulle avait réussie en 1965 (mais sa première élection en 1958 n'avait pas été le fruit du suffrage universel direct).
Arrivé à pied avec Brigitte Macron et une dizaine d'enfants sur le Champ-de-Mars, où il avait donné rendez-vous à ses soutiens, le président de la République a d'abord remercié ses électeurs. "Je veux remercier l'ensemble des Françaises et des Français qui, au premier puis au deuxième tour, m'ont accordé leur confiance afin de faire advenir notre projet pour une France plus indépendante, une Europe plus forte."
Il s'est aussi adressé aux électeurs qui ont voté pour lui sans adhérer à son projet. "Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l'extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir", a poursuivi le chef de l'Etat.
Emmanuel Macron a eu quelques mots pour les électeurs de Marine Le Pen. "Je sais que pour nombre de nos compatriotes, qui ont choisi aujourd'hui l'extrême droite, la colère et les désaccords qui les ont conduits à voter pour ce projet, doivent aussi trouver une réponse. Ce sera ma responsabilité et celle de ceux qui m'entourent", a-t-il déclaré.
"Dès à présent, je ne suis plus le candidat d'un camp mais le président de tous."
"Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève mais l'invention collective d'une méthode refondée pour cinq années de mieux au service de notre pays, de notre jeunesse", a assuré le président réélu.
Marine Le Pen battue pour la troisième fois
Marine Le Pen a rassemblé 41,46% des suffrages lors du second tour. La candidate du Rassemblement national a admis sa défaite quelques minutes après l'annonce des résultats, depuis le pavillon d'Armenonville, dans le bois de Boulogne. Elle s'est quand même félicitée du score obtenu, le plus haut pour un candidat d'extrême droite au second tour sous la Ve République. Elle progresse de 7,56 points par rapport à 2017 (33,90%). Son père Jean-Marie Le Pen avait obtenu 17,79% en 2002 face à Jacques Chirac, lorsque que l'extrême droite s'était qualifiée pour la première fois au second tour.
"Les idées que nous représentons arrivent à des sommets un soir de second tour d'élection présidentielle. Le résultat de ce soir représente, en lui-même, une éclatante victoire."
Marine Le Pen discours
"Je crains ce soir que le quinquennat qui s'ouvre ne rompra pas avec les pratiques brutales et méprisantes du précédent", a-t-elle estimé. Elle a ensuite remobilisé son électorat en vue des prochaines échéances : "Le risque de voir Macron s'emparer de façon mécanique de tous les pouvoirs législatifs et exécutifs est élevé. C'est une perspective qu'aucun patriote ne peut accepter."
Elle a évidemment évoqué les élections législatives des 12 et 19 juin prochains, cette bataille qu'elle mènera "aux côtés de Jordan Bardella, avec tous ceux qui ont eu le courage de s'opposer à Emmanuel Macron au second tour". "Ce soir, je le redis, jamais je n'abandonnerai les Français", a-t-elle conclu.
Jean-Luc Mélenchon prêt pour "le troisième tour"
Le troisième homme, Jean-Luc Mélenchon, battu de peu il y a 15 jours, a salué la défaite de Marine Le Pen. "La France a refusé clairement de lui confier son avenir et c'est une très bonne nouvelle", a déclaré le leader de La France insoumise. Il a également pointé du doigt le score d'Emmanuel Macron, "le plus mal élu des présidents de la Ve République", selon lui. "Il surnage dans un océan d'abstention, de bulletins blancs et nuls", a-t-il ajouté.
Le chef de file des députés "insoumis" s'est ensuite projeté dans le futur proche en évoquant les élections législatives. "Le troisième tour commence ce soir", a-t-il lancé. "A toutes et à tous, je dis : ne vous résignez pas ! Au contraire ! Entrez dans l'action, franchement, massivement. La démocratie peut nous donner massivement le moyen de changer de cap." "Vous pouvez battre Monsieur Macron et choisir un autre chemin. Un autre monde est encore possible si vous élisez une majorité de la nouvelle Union populaire."
Eric Zemmour appelle à la coalition des droites
Le leader du parti Reconquête !, Eric Zemmour a regretté la défaite des "amoureux de la France". "Hélas, c'est la 8e fois que la défaite frappe le nom de Le Pen. J'ai fait ce que j'ai pu pour éviter ce résultat", a-t-il assuré, avant d'appeler à une coalition du "bloc national". "Il doit s'unir et se rassembler, notre responsabilité est immense, j'appelle à l'union nationale dans l'optique des législatives," a-t-il dit, "bâtissons au plus vite la première coalition des droites et des patriotes"
Le Pen en tête dans les Antilles, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte
Une nette bascule s'est opérée en outre-mer. Marine Le Pen est arrivée en tête, parfois très largement, dans les Antilles, à La Réunion, en Guyane et à Mayotte lors du second tour. Il y a cinq ans, Emmanuel Macron était arrivé largement en tête dans les collectivités ultramarines, recueillant notamment 77,5% des voix en Martinique, 75,1% des suffrages en Guadeloupe et 64,9% en Guyane.
"Cette France trop oubliée, nous, nous ne l'oublions pas", a affirmé Marine Le Pen, en guise de remerciements. La candidate du RN est arrivée en tête au second tour en Guadeloupe avec 69,60% des voix, en Martinique (60,87%), à Saint-Martin/Saint-Barthélemy (55,42%), en Guyane (60,70%), ainsi qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon (50,69%). A l'inverse, Emmanuel Macron est arrivé en tête dans les territoires du Pacifique, comme au premier tour, à 61,04% en Nouvelle-Calédonie, à 51,80% en Polynésie française et à 67,44% à Wallis et Futuna.
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