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Les Russes vont-ils lancer leurs troupes ?" "Pourquoi ne l’ont-ils pas encore fait ?" "Est-on à la veille de la Troisième Guerre mondiale ?" "Et d’ailleurs, n’est-ce pas un peu la faute de l’Ukraine, qui cherche à tout prix à rentrer dans l’Otan et provoque la Russie ?" Les commentaires se suivent et se ressemblent. Pas seulement ces dernières semaines ou ces derniers mois, mais depuis huit ans déjà. J’ai habité en Ukraine pendant dix ans, de 2011 à 2021. D’abord en tant que journaliste enthousiaste et curieux de ce grand pays, si similaire à notre Europe, et pourtant si différent. À partir de novembre 2013, comme reporter sur les barricades de Maïdan, puis comme correspondant en zone de guerre. Depuis, j’ai vécu, comme environ 40 millions d’Ukrainiens, au rythme des escalades et désescalades, des sanctions politiques et des blocs économiques, de la désinformation et des "fake news", des échos de bombardements et des annonces de pertes humaines. Plus de 14 000 personnes ont perdu la vie depuis le début du conflit au printemps 2014 : au moins 3 000 d’entre elles sont mortes depuis l’instauration d’un cessez-le-feu en février 2015. La guerre ne s’est jamais arrêtée et la succession des cycles "chauds" et "froids" s’est imposée comme la norme. On vient me demander, quelquefois, si ma famille, mes amis et mes connaissances restés en Ukraine ont peur d’une invasion. Non. Eux comme moi avons déjà épuisé nos réserves de peur. Ce qui nous pèse, c’est la lassitude et l’usure de la guerre des nerfs qui se joue depuis tant d’années. Et la frustration d’un éternel recommencement.
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