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Affaires Sarah Halimi et Viry-Châtillon : l'irresponsabilité pénale en question

Dernière mise à jour : 29 avr. 2021


« L’institution judiciaire doit pouvoir continuer de juger, à l’abri des pressions, en toute indépendance et en toute impartialité », écrit l’instance dans un communiqué


Le Conseil de la magistrature s'est insurgé dimanche contre «la mise en cause» de la justice dans deux affaires «douloureuses». — Philippe Merle AFPCoup de colère du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L’instance s’est insurgée ce dimanche contre « la mise en cause » de la justice dans deux affaires « douloureuses », en référence à la contestation de l’arrêt de la Cour de cassation dans le dossier Sarah Halimi et du verdict au procès de Viry-Châtillon. « L’institution judiciaire doit pouvoir continuer de juger, à l’abri des pressions, en toute indépendance et en toute impartialité », écrit l’organe dans un communiqué, en appelant « à la mesure ».




Concernant l’affaire Halimi, « le juge a pour mission d’appliquer la loi et se doit de l’interpréter strictement » « En ce qui concerne l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Halimi, il convient de rappeler que le juge a pour mission d’appliquer la loi et se doit, en matière pénale, de l’interpréter strictement », rappelle le CSM. « Il ne peut la créer ou la modifier. Il s’agit là d’un principe fondamental pour préserver les équilibres démocratiques », insiste l’organe constitutionnel, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le 14 avril, la Cour de cassation avait confirmé l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, sexagénaire juive tuée en 2017 à Paris. Tout en entérinant le caractère antisémite du crime, la plus haute juridiction judiciaire avait confirmé l’abolition du discernement du meurtrier, pris d’une « bouffée délirante » lors des faits, selon sept experts consultés. Cette décision a suscité une vive émotion et une très forte incompréhension au sein d’une partie de la communauté juive française et poussé Emmanuel Macron à réclamer « un changement de la loi ». Concernant l’affaire Viry-Châtillon, « la déformation volontaire et le dénigrement portent une atteinte profonde à l’autorité » S’agissant du verdict de la cour d’assises de Paris statuant en appel dans l’affaire de Viry-Châtillon, le CSM rappelle « qu’il a été rendu par les juges et les jurés au terme de débats de plusieurs semaines ». « La déformation volontaire des propos tenus par le représentant du ministère public et le dénigrement, dans des termes souvent outranciers, des acquittements partiels prononcés portent une atteinte profonde à l’autorité qui s’attache aux décisions de justice », écrit encore l’organe. Au terme de six semaines de procès à huis clos, cinq jeunes avaient été condamnés le 18 avril à des peines allant de six ans à dix-huit ans de réclusion criminelle pour avoir attaqué et brûlé des policiers à Viry-Châtillon (Essonne) en 2016. Huit avaient été acquittés, suscitant l’indignation des syndicats de policiers et d’une partie de la classe politique. La procureure générale de Paris, Catherine Champrenault, avait dénoncé le 21 avril une « tentative de déstabilisation de l’institution judiciaire » après la diffusion, par des élus, de « propos erronés » imputés à l’avocat général ayant requis au procès en appel. Le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, avait aussi pris la défense de ce magistrat.



Des milliers de personnes ont demandé « justice pour Sarah Halimi »



Un rassemblement a été organisé dimanche 25 avril à Paris en mémoire de la sexagénaire de confession juive tuée en 2017, dont le meurtrier ne sera pas jugé. Le même jour, le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti a annoncé que la loi sur l’irresponsabilité pénale allait être modifiée.




Manifestation, place du Trocadéro à Paris, le 25 avril 2021, pour protester contre la décision de la Cour de cassation de confirmer l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi. PHILIPPE DESMAZES/AFP


« Justice pour Sarah Halimi ! » Des milliers de personnes se sont rassemblées dans le calme et sous haute sécurité sur l’esplanade du Trocadéro à Paris, dimanche 25 avril, pour marquer leur solidarité avec la famille de la sexagénaire de confession juive tuée en 2017, et leur colère face au dénouement judiciaire de cette affaire. Le 14 avril, la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Paris, qui avait conclu à l’irresponsabilité pénale du meurtrier parce que pris d’une « bouffée délirante aiguë » abolissant son discernement.

Cette décision de la plus haute juridiction française a ravivé l’émotion et l’incompréhension au sein de la communauté juive. Parmi les personnalités et organisations appelant à se rassembler figuraient le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), le grand rabbin de France Haïm Korsia et le président du Consistoire central Joël Mergui. Tous voulaient signifier leur « sidération », car ce crime reconnu comme antisémite ne sera pas jugé en l’état actuel des textes. « C’est juste inacceptable dans un pays comme la France » « On ne peut que s’indigner et être révolté », estime Mikaël Journo, aumônier général des hôpitaux, qui dit percevoir « un profond malaise, un sentiment d’abandon et d’injustice » au sein de la communauté juive. « Elle se sent souvent un peu seule », déplore-t-il. « Cette affaire est inacceptable pour un pays comme la France et j’aurais aimé qu’il y ait plus de monde, commente Jérémie, 29 ans, venu crier sa « révolte » dimanche. « Là, ajoute-t-il, à 90 %, il n’y a que des juifs. » Catherine, une Parisienne de 66 ans, partage ce sentiment, en regrettant un « manque de solidarité ». « J’étais à la marche après l’attentat contre Charlie, ça devrait être la même chose pour Sarah Halimi, estime-t-elle. Tout cela fait que l’on se sent encore moins en sécurité. » Cette sensibilité est aiguisée par les deux attentats terroristes ayant frappé les juifs en France en 2012 et en 2015, avec successivement la tuerie commise par Mohammed Merah dans une école toulousaine et l’attaque de l’Hyper Cacher à Paris. Le 11e arrondissement de Paris, où Sarah Halimi a été tuée, a été également marqué par l’assassinat de Mireille Knoll un an plus tard. « C’est aussi dans cet arrondissement qu’avait été enlevé Ilan Halimi en 2006, ajoute le politologue Jean-Yves Camus, qui y habite. Quand je vais à la synagogue, je porte un signe visible de ma judéité et je ne peux pas dire que je me sente en danger. C’est d’autant plus déstabilisant d’apprendre qu’est survenu un fait particulièrement grave là où les choses se passent bien. »

« L’affaire dépasse désormais la communauté juive »

L’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi a participé au rassemblement parisien, où il a été accueilli par des applaudissements. Dans La Croix, Jean-Dominique Durand, président de l’Amitié judéo-chrétienne de France, fait état de son incompréhension de « citoyen soucieux de justice ». « J’ai l’impression que l’affaire dépasse désormais la communauté juive », analyse Sylvia Uzan, chargée de la communication des communautés juives du Val-de-Marne. Face à l’émotion suscitée par l’absence de procès dans ce dossier, la loi sur l’irresponsabilité pénale en cas de prise de stupéfiants devrait d’ailleurs changer, comme l’avait demandé Emmanuel Macron. Le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, a annoncé dimanche 25 avril qu’un projet de loi en ce sens allait être déposé en mai « pour combler le vide juridique apparu dans l’affaire Sarah Halimi », a-t-il précisé sur Twitter.

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